Développement et croissances des biotech et medtch : Accords stratégiques (Biotech Finances)

Accords stratégiques : comment jouer cette partition pour prodiges ?

La gamme des accords stratégiques qui jalonnent la vie des biotech et medtech est d’une richesse exceptionnelle. Savoir en jouer pour atteindre la plus grande harmonie entre toutes les parties impliquées, et au final la satisfaction du succès pour les uns et les autres, est une nécessité impérieuse. Agathe Simon et François-Maxime Philizot, avocats associés, cabinet Mercure Avocats, ont accepté de passer en revue pour Biotech Finances quelques clefs qui permettent de sécuriser le déroulement des opérations.

Le développement et la croissance des « biotech/medtech », sont souvent reliés à la problématique des levées de fonds. La diversité des contrats de licence, accords de partenariats ou de co-développement, et des accords de financement est tout aussi importante.  Ce pan de la vie des biotech et medtech est primordial car il permet d’obtenir, selon le cas, des actifs (contrats de licence in avec un académique ou un industriel), des moyens matériels, des technologies ou des savoir-faire complémentaires (accords de partenariat avec un industriel) ou, à l’instar de la levée de fonds, des financements (accords de partenariat ou accords de licence out avec un industriel, contrats de royalty financing avec une fondation ou une association).

Façonner ces accords pour la satisfaction de toutes les parties en présence, et compte tenu des contraintes de timing de chacun, est un réel challenge. Les biotech/medtech ont leur vision propre et doivent composer avec les académiques qui souhaitent valoriser leur recherche. Lorsque l’industriel entre dans le cercle, les options se densifient plus encore avec des objectifs, pour ces industriels, qui vont du renforcement du pipeline de produits par l’acquisition d’une licence sur une molécule ou une technologie, à la cession d’un actif pour se recentrer sur les produits stratégiques, en donnant en licence une molécule ou une technologie non stratégique.  Des acteurs de type fondation ou association peuvent aussi se présenter pour investir des fonds collectés. Les biotech/medtech peuvent également interagir entre elles pour le développement d’une technologie commune. Autant de cas de figures qui modèlent des accords quasi sur mesure et qui incitent à s’intéresser de plus près aux aspects clés de la négociation des contrats dits de « licence in » , de partenariats stratégiques et de « licence out ».

Licence in : le premier élément d’accroissement de valorisation

Il s’agit de l’accord initial par lequel une société (licenciée) obtient les droits pour l’exploitation d’un titre de propriété industrielle ou d’un autre actif (données par exemple) détenu par un organisme de recherche – e.g., université, laboratoire, institut. Le contrat peut être conclu directement avec l’organisme de recherche (donneur de licence), mais il l’est plus généralement avec un organisme de valorisation – e.g., SATT, Inserm Transfert, OTTPI. Le contrat de licence in est en général conclu à un stade amont du développement de la société (voire concomitamment à la création de la société) et constitue l’actif clé de celle-ci et le premier élément d’accroissement de valorisation. De ce fait, il devient un élément d’intérêt pour les futurs investisseurs.

Parmi les différentes clauses importantes du contrat de licence in, celle relative au paiement doit retenir notre attention. Le prix de la licence se décompose classiquement en trois éléments : (i) un upfront – paiement forfaitaire qui, dans ce type de contrats avec des académiques, correspond souvent au remboursement des frais de propriété industrielle (dépôt et enregistrement du brevet) – étant précisé toutefois que certains contrats ne prévoient tout simplement pas d’upfront, (ii) des milestones – paiements qui correspondent à la réalisation d’étapes clés du développement (preuve de concept, obtention d’une première autorisation d’entrer en clinique, obtention d’une AMM ou d’un marquage CE) et (iii) des royalties – redevances correspondant en général à un pourcentage des ventes nettes (lorsque la société exploite le produit ou la technologie en direct) ou à un pourcentage des revenus des sous-licences (en cas d’exploitation indirecte), étant précisé qu’il est souvent exigé, par le donneur de licence, un minimum garanti dès lors que le produit est commercialisé.

Les modalités de paiement peuvent varier selon les partenaires. Il n’est pas rare de voir certains partenaires demander le paiement de tout ou partie de l’upfront ou de certains milestones, non pas par un versement en numéraire, mais par une conversion en actions de la société (juridiquement, cela correspond à une compensation de créances).

Partenariats stratégiques : un moyen de financement solide non-dilutif

Il s’agit ici de contrats sur mesure, qui permettent à une biotech/medtech de poursuivre son développement grâce à la mutualisation de moyens ou de technologies, ou grâce à l’obtention d’un financement. Ces contrats peuvent être conclus à tout moment, aussi bien à un stade très amont (en parallèle des levées de fonds, ces accords permettent également l’obtention d’un financement, mais non dilutif) qu’à un stade plus avancé (e.g., accord de co-développement ou de co-distribution, une fois le produit sur le marché).

Dans cette vaste catégorie des partenariats stratégiques, on retrouve en premier lieu les accords de recherche et développement assortis d’une option de licence ou d’achat. Il s’agit d’accords aux termes desquels un industriel finance les recherches effectuées par une biotech/medtech afin d’obtenir, dans un second temps, des droits sur les résultats obtenus (option de licence). Ces accords sont séduisants pour les biotechs/medtechs, puisqu’ils constituent un moyen de financement solide à moyen terme, non-dilutif, assorti d’un éventuel accord de licence ou d’un potentiel rachat par l’industriel. Les points clés de ces contrats sont la définition des étapes de développement, qui conditionnent notamment le versement des fonds par l’industriel, les termes et conditions de l’option de licence ou d’achat, et les éventuelles conditions de sortie du projet de l’industriel.

En deuxième lieu, on retrouve les contrats de co-développement, dans lesquels des acteurs qui ont des technologies complémentaires mutualisent leurs ressources et/ou leurs technologies, soit dans un contexte bien précis, par exemple au moyen d’un accord de partenariat de recherche, ou dans un contexte plus global avec la mise en place d’une entreprise commune de type joint-venture. Il est fondamental, dans ce type de contrat, de bien négocier la répartition des droits issus du projet, et de prévoir de façon précise les conséquences de la fin anticipée du partenariat.

Enfin, en troisième lieu, on retrouve les partenariats dont l’objet est plus financier, de type royalty financing. Ces contrats sont conclus avec des acteurs non industriels tels que des associations ou des fondations (par exemple, associations américaines de premier plan qui souhaitent investir les fonds importants qu’elles collectent) dont l’objet est de financer un projet de recherche d’une biotech/medtech. En échange de l’investissement financier réalisé dans un projet, le partenaire de la biotech/medtech percevra des milestones et royalties sur les ventes réalisées, à la manière d’un contrat de licence. Certains évènements, tels qu’une levée de fonds ou un rachat de la société, peuvent déclencher un paiement anticipé. Pour le financeur, il s’agit donc d’une réelle opération d’investissement, comportant un aléa : il peut en effet perdre son investissement (en cas d’échec du projet) ou gagner plusieurs fois la mise initiale. Ce point est fondamental, car il permet notamment de distinguer l’opération d’un simple prêt, qui relèverait par principe du monopole bancaire.

Licence out : cadrer le développement et le lancement du produit

Le contrat dit de licence out est un contrat par lequel une biotech/medtech donne son produit ou sa technologie en licence à un industriel et perçoit des redevances en contrepartie. La licence peut porter sur la phase de développement et la commercialisation d’un produit, ou bien porter uniquement sur la commercialisation du produit.

Dans quel contexte la licence out est-elle conclue ? Du point de vue de la biotech/medtech, un tel contrat peut être conclu pour palier le manque de ressources ou d’expertise, en interne, pour un stade plus avancé du développement d’un produit. Il peut permettre également de valoriser un élément non stratégique de la société (e.g., une biotech spécialisée dans le médicament à usage humain donne en licence un brevet pour un développement dans la santé animale).

Du point de vue de l’industriel, un tel contrat est également stratégique puisqu’il permet de renforcer le pipeline de produits et palier la faiblesse de la recherche interne – étant précisé, nous le verrons plus tard, que les industriels vont chercher des produits prometteurs de plus en plus en amont dans leur stade de développement.

Parmi les points critiques, sur un plan juridique et technique, arrêtons-nous sur la clause dite de « stacking ». Ce mécanisme permet au preneur de licence, dans une certaine mesure, la déduction des montants payés à un tiers pour l’acquisition d’une licence complémentaire nécessaire à l’exploitation du produit, sur les redevances dues au cocontractant initial au titre du contrat de licence principal. Du point de vue de la biotech/medtech (donneur de licence), il est important de bien encadrer et limiter cette faculté. Quelques points à avoir en tête lors de la négociation d’une telle clause : établir la nécessité d’une licence complémentaire – laquelle doit pouvoir être déterminée, en cas de contestation, par un juge ou un expert, et non simplement par l’industriel preneur de licence ; prévoir une limite des montants déductibles – pour que la biotech/medtech puisse se garantir un minimum de royalties (en définissant, par exemple, des royalties « plancher » en dessous desquels aucune déduction ne pourra être faite, ou en restreignant à un certain pourcentage de déduction).

Un autre point sensible lors de la négociation d’un contrat de licence consiste dans l’encadrement des risques liés au développement. Côté biotech/medtech, il est fondamental d’obtenir un engagement de la part de l’industriel quant à la poursuite du développement et au lancement du produit : il convient d’insister sur la nécessité de préparer un plan de développement avec des étapes précises, prévoir la possibilité de résilier la licence si ces étapes de sont pas respectées et éventuellement la possibilité pour la biotech/medtech de continuer à assurer une partie du développement. L’industriel, de son côté, va souhaiter pouvoir résilier la licence pour des raisons stratégiques, afin de conserver la maîtrise de son plan de développement. Il cherchera également à se prémunir contre le risque de faillite ou de perte de la licence principale par la biotech/medtech, qui aurait une répercussion sur sa propre sous-licence, par exemple par la mise en place d’une licence « standby » entre lui et le titulaire du brevet (université, organisme de recherche) qui prendra effet dans l’hypothèse d’une défaillance ou d’une résiliation d’un des contrats dans la chaine des licences.

Mentionnons enfin qu’il existe une alternative, en pratique, à la conclusion d’un contrat de licence out : il s’agit de la cession pure et simple de la société.

En effet, la cession de la société peut constituer une opportunité pour ses actionnaires, que ce soit lorsque la société est mature (lorsque la société a terminé sa R&D et commercialise ses produits), ou bien même à un stade beaucoup plus amont (lorsque la société est encore en phase de développement). Dans ce dernier cas, les clauses des contrats de cession tiendront compte du risque plus important pris par l’acquéreur. Dans la pratique juridique, les clauses de prix de ces accords de cession sont structurées à la façon des clauses financières des contrats de licence, avec des paiements à échéances liés à des milestones de développement (e.g., démonstration d’une preuve de concept, obtention de certains résultats spécifiques, entrée dans une nouvelle phase d’essais cliniques ou obtention d’une AMM ou d’un marquage CE), suivis de paiements liés à la commercialisation versés au fur et à mesure de la réalisation des ventes comme dans un accord de licence (forfaitaires ou redevances).

 

Agathe Simon et François-Maxime Philizot avocats associés, cabinet Mercure Avocats

Retour