VENTE EN LIGNE DE MEDICAMENTS NON SOUMIS A PRESCRIPTION : LA CJUE PRECISE LES CONDITIONS APPLICABLES ET DONNE RAISON AUX SOCIETES PROPOSANT DES SERVICES DE MISE EN RELATION

Par un arrêt rendu le 29 février 2024 (affaire C-606/21 – renvoi préjudiciel dans le cadre de l’affaire Doctipharma), la CJUE a considéré qu’un état membre ne peut interdire un service en ligne mettant en relation les pharmaciens avec les clients pour la vente de médicaments non soumis à prescription que si le prestataire du service est jugé comme procédant lui-même à la vente de tels médicaments sans y être autorisé ou habilité (car il n’est pas pharmacien). Les états membres ne peuvent ainsi pas interdire un tel service si le prestataire ne procède pas lui-même à la vente des médicaments.

Rappel des étapes précédentes :

  • la société Doctipharma exploite un site Internet sur lequel il était possible, jusqu’en 2016, d’acheter des produits pharmaceutiques et des médicaments sans ordonnance, à partir des sites Internet de pharmacies. Un recours a été déposé par l’UDGPO (Union des groupements de pharmaciens d’officine), qui considérait que la prestation proposée par Doctipharma faisait participer cette dernière au commerce de médicaments et était, de ce fait, contraire à la législation nationale interdisant la vente de médicaments par des personnes n'ayant pas la qualité de pharmacien ;
  • par jugement du 31 mai 2016, le Tribunal de commerce de Nanterre donne raison à l’UDGPO et intime à Doctipharma de cesser son activité à partir de son site Internet ;
  • la Cour d’appel de Versailles, par un arrêt du 12 décembre 2017, infirme ce jugement, considérant que l’activité de Doctipharma était licite (l’acte de vente étant bien réalisé par les pharmacies elles-mêmes) ;
  • l’arrêt de la Cour d’appel de Versailles est alors annulé par la Cour de cassation, par un arrêt du 19 juin 2019, la Cour considérant que l’activité en question violait les articles L. 5125-25 et 26 du Code de la santé publique (interdiction des services de courtage à la vente de médicaments, ou autres types d’intermédiaires) ;
  • l’affaire est renvoyée devant la Cour d’appel de Paris, qui a décidé d’interroger la CJUE dans le cadre d’un renvoi préjudiciel, objet du présent arrêt.

La Cour d’appel de Paris demande à la CJUE (i) si l’activité de Doctipharma est un service de la société de l’information, et (ii) si le droit de l’UE permet aux états membres d’interdire la fourniture d’un tel service, qui consiste à mettre en relation, au moyen d’un site Internet, des pharmaciens et des clients pour la vente, à partir des sites d’officines des pharmacies ayant souscrit à ce service, de médicaments non soumis à prescription médicale.

Dans son arrêt du 29 février 2024, la CJUE répond ce qui suit :

  • lorsque le prestataire ne possédant pas la qualité de pharmacien est considéré comme procédant lui-même à la vente de médicaments non soumis à prescription, l’état membre peut interdire ce service ;
  • mais lorsque le prestataire concerné se borne, par une prestation propre et distincte de la vente, à mettre en relation des vendeurs et des clients, les états membres ne peuvent interdire ce service au motif que la société concernée participe au commerce électronique de vente de médicaments sans avoir la qualité de pharmacien.

La CJUE donne donc raison à Doctipharma, à rebours de la décision de la Cour de cassation. En effet, il ne suffit pas de participer au commerce électronique de médicaments sans disposer de la qualité de pharmacien pour être sanctionné ; il faut déterminer qui est le ‘vendeur’ et évaluer, alors, si ce vendeur est ou non pharmacien. 

Lien vers l'arrêt de la CJUE ici.

 

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