« Mon espace santé », nouvel outil numérique du gouvernement pour rassembler les données médicales d’une personne

« Mon espace santé », nouvel outil numérique du gouvernement pour rassembler les données médicales d’une personne

Le décret n°2021-1048, pris en application de la loi du 24 juillet 2019 dite « Ma santé 2022 », permettant la mise en œuvre de l’espace numérique de santé (ENS, aussi appelé « Mon espace santé ») a été récemment publié au Journal officiel, le 7 août 2021. Il définit le contenu de l’ENS, les modalités de sa création et de sa clôture éventuelle, les modalités d’exercice des droits de son titulaire dont le droit d’opposition à sa création et, plus généralement, l’ensemble des règles applicables à son fonctionnement.

Mon espace santé est le nouvel outil sécurisé dont l’objectif est de permettre à chacun de stocker et de partager ses documents et ses données de santé en toute sécurité pour être mieux soigné et suivi. Il intégrera le Dossier médical partagé (DMP). Dans ce cadre, le décret n°2021-1047 officialisant la transformation du DMP en composante de l’ENS à compter du 1er janvier 2022 a également été publié le 7 août dernier, texte qui harmonise les règles de fonctionnement du DMP et de l’ENS.

- L’intégration du DMP à Mon espace santé à compter du 1er janvier 2022

Depuis le 1er juillet dernier, il n’est plus possible de créer un DMP, que ce soit en ligne, auprès des professionnels de santé ou à l’accueil des caisses d’assurance maladie. L’interruption dans la création de DMP a été mise en place afin de permettre l’arrivée de Mon espace santé.

Le Dossier médical partagé, anciennement dossier médical personnel, est un carnet de santé numérique, gratuit et confidentiel, qui conserve, centralise et sécurise toutes les informations relatives à la santé d’une personne bénéficiaire de l’Assurance Maladie qui peut, si elle le souhaite, partager ces informations avec les professionnels de son choix participant à sa prise en charge.

A compter du 1er janvier 2022, le DMP – n’ayant pas eu le succès attendu – sera intégré à Mon espace santé, espace numérique individuel mis à la disposition par l’Etat et l’Assurance Maladie pour permettre à chaque citoyen français d’être ‘acteur’ de sa santé au quotidien, en stockant ses informations médicales et en les partageant avec les professionnels participant à sa prise en charge.

Ce service donnera accès aux éléments suivants :

  • Le DMP, dans une version améliorée, qui permet de stocker les informations de façon sécurisée et qui peut notamment contenir les documents suivants : comptes rendus hospitaliers et radiologiques, résultats d’analyses de biologie, antécédents, directives anticipées, etc. A noter que chaque personne peut, à tout moment, supprimer certains des documents contenus dans le DMP ou masquer certaines informations.
  • Une messagerie sécurisée, pour permettre au patient de communiquer, en toute sécurité, avec les professionnels de santé qui l’accompagnent.
  • Un agenda de santé permettant à chaque usager de gérer ses rendez-vous médicaux et, entre autres, de recevoir des rappels personnalisés pour les vaccins et dépistages recommandés.
  • Un catalogue de services numériques de santé réunissant notamment des applications utiles pour la santé, référencés et certifiés par l’Etat et compatibles avec Mon espace santé. L’usager sera le seul à décider des services/applications qui peuvent accéder à son compte Mon espace santé. Il devra donner son consentement libre et éclairé à tout échange de données. A noter que le Décret n°2021-1048 détermine par ailleurs les critères de référencement des services numériques ainsi que le cadre applicable à la procédure de référencement. 

- L’ouverture automatique de Mon espace santé, différence majeure avec le DMP

Jusqu’alors, la création d’un DMP était facultative, et subordonnée au recueil du consentement exprès du bénéficiaire de l’Assurance Maladie concerné ou celui de son représentant légal (i.e., mécanisme d’opt-in). A compter du 1er janvier 2022, l’ENS – auquel sera le cas échéant intégré le DMP, sera automatiquement ouvert, sauf opposition de la personne (i.e., mécanisme d’opt-out). A noter donc que tout DMP déjà ouvert à la date de l’ouverture de l’ENS y sera ensuite automatiquement intégré, sauf opposition de la personne concernée.

La création de Mon espace santé se fera par une démarche en ligne sur le portail de l’ENS, et ce pour chaque individu dès sa naissance. Chaque usager ou son représentant légal, le cas échéant, sera informé par la Caisse nationale d’assurance maladie (Cnam) de l’ouverture de son ENS, au moyen d’un courrier électronique ou par voie postale le cas échéant. A l’issue d’un délai de six semaines et en l’absence d’opposition à la création de l’ENS, ce dernier sera ouvert par la Cnam.

Mon espace santé doit permettre aux usagers de mieux se soigner ou de mieux être soignés en s’impliquant dans la gestion et le partage de leurs informations et documents. Chaque citoyen pourra utiliser le service Mon espace santé en se connectant au site monespacesante.fr, site qui sera accessible à tous et compatible avec tous les terminaux (i.e., smartphones, tablettes, ordinateurs).

A noter que si l’ouverture de l’ENS est envisagée de manière automatique, le législateur a veillé à conférer à chaque titulaire une certaine maîtrise sur son ENS. Chaque titulaire d’un ENS ou son représentant légal est en effet considéré comme « le seul gestionnaire et utilisateur ». Il est ainsi maître des accès à son ENS. Il a en effet la possibilité d’octroyer « un accès temporaire ou permanent à son espace numérique de santé à un établissement de santé, à un professionnel de santé, aux membres d’une équipe de soins » ou « à tout autre professionnel participant à sa prise en charge ». De la même manière, le titulaire pourra décider « de mettre fin à un tel accès » (nouvel article L. 1111-13-1 IV du Code de la santé publique).

- La question du traitement des données personnelles des usagers

La sécurité des données est un sujet majeur lorsque le numérique est abordé dans le domaine de la santé. Dans le cas de l’ENS, la sécurité du site monespacesante.fr, qui permettra l’accès à l’ENS et donc au DMP, et la protection des données personnelles sont garanties par le Ministère des Solidarités et de la Santé et par la Cnam, en tant que responsables de traitement.

Ainsi, et de façon logique, l’ENS ne fait pas exception au Règlement européen sur la protection des données (RGPD), ce qui signifie que chaque usager peut exercer ses droits garantis par le RGPD sur ses données contenues dans son ENS, à savoir un droit d’accès, un droit de rectification et de limitation, un droit de suppression et un droit d’opposition concernant ses informations personnelles et le traitement qui en est fait.

Dans le cadre de la mise en œuvre de Mon espace santé, aucune donnée ne pourra être échangée sans le consentement de l’usager et celui-ci sera informé, sans délai, chaque fois qu’un professionnel ou un établissement aura accédé à son ENS.

Également, chaque usager disposera du droit de clôturer son ENS, à tout moment. A compter de sa fermeture, les données de l’usager seront conservées pendant dix ans, elles seront ensuite automatiquement supprimées passé ce délai. A noter par ailleurs que certaines données peuvent être supprimées automatiquement de l’ENS et ne sont pas soumises au délai de conservation précité. Il s’agit là des données supprimées volontairement par l’usager, entrainant leur effacement définitif et immédiat de l’ENS.

Par ailleurs, faisant suite à la publication des deux décrets mentionnés ci-dessus, la CNIL a publié la Délibération n°2021-051 le 7 août dernier, comportant des observations et des recommandations sur la mise en œuvre de l’ENS. Cette délibération est datée du 15 avril dernier et porte sur le décret relatif à la mise en œuvre de l’ENS, lorsqu’il était à l’état de projet avant sa publication en août dernier.

Il est intéressant de constater que, si le Décret n°2021-1048 a pris en compte certaines des recommandations émises par la CNIL, d’autres points de vigilance relevés n’ont pas été suivis par le Gouvernement. C’est le cas notamment des questions portant sur la gestion de l’ENS par les mineurs.

En effet, l’article R. 1111-33 du Code de la santé publique prévoit un droit d’opposition de la personne mineure à la mention de certaines données dans son ENS, droit d’opposition dont les professionnels sont chargés de l’informer. En revanche, il n’est pas prévu de droit d’accès du mineur, quel que soit son âge, à son ENS. Cela a été relevé par la CNIL, qui estime que la personne mineure disposant de sa propre carte vitale doit pouvoir accéder directement à son ENS et consentir à l’accès de services, outils ou professionnels – conformément à l’article 45 de la Loi informatique et libertés qui prévoit qu’une personne mineure peut, à compter de l’âge de 15 ans, consentir seule à un traitement de données.

Toujours en relation avec les mineurs, de l’avis de la CNIL, chaque titulaire de l’autorité parentale devrait pouvoir accéder à l’ENS d’une personne mineure et être informé préalablement à la mise en œuvre d’un traitement de données à caractère personnel concernant une personne mineure, de l’existence de ce traitement ainsi que des modalités d’exercice des droits. Le Décret n°2021-1048 n’a pas répondu non plus à ce point d’attention relevé par la CNIL.

- Phase pilote dans trois départements

Le déploiement de Mon espace santé a démarré par une phase pilote lancée au début du mois de juillet dernier, dans trois départements « test » : la Haute-Garonne, la Loire-Atlantique et la Somme. L’objectif de cette première phase, avant la généralisation avec la version complète de Mon espace santé à partir de janvier 2022, est d’amorcer les usages, de les observer, puis d’adapter et faire évoluer le service. Il sera alors intéressant d’analyser les retours des premiers utilisateurs et de constater dans quelle mesure l’État et la Cnam pourront les intégrer. Par ailleurs, du point de vue du traitement des données de santé, il sera intéressant de constater si des ajustements vont être réalisés afin, notamment, de suivre l’ensemble des recommandations émises par la CNIL.

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