Loi de financement de la sécurité sociale 2024 : Mesures intéressant les médicaments

La loi de financement de la sécurité sociale pour l’année 2024 (« LFSS 2024 »), promulguée le 27 décembre 2023 après examen par le Conseil Constitutionnel et après adoption définitive du projet de loi par l’Assemblée Nationale le 4 décembre 2023, contient des mesures clés qui viennent renforcer la prévention et l’accès aux soins. La LFSS 2024 (dans ses articles 76 et 77) constitue notamment une étape majeure dans l’évolution du dispositif régissant l’accès et la prise en charge des médicaments qualifiés d’innovants et dans le maintien des médicaments d’intérêt thérapeutique majeurs (« MITM ») matures sur le marché afin de lutter contre les pénuries.

Ces nouvelles mesures visent à garantir une prise en charge thérapeutique efficace, à encourager l’innovation pharmaceutique et à assurer la disponibilité continue des médicaments essentiels.

Accès précoce et compassionnel : amélioration de l’accès aux produits de santé innovants

Pour rappel, l’accès précoce concerne les médicaments répondant à des besoins thérapeutiques non couverts, potentiellement innovants, pour lesquels le laboratoire s’engage à déposer une autorisation de mise sur le marché (AMM) ou une demande de remboursement de droit commun. L’accès précoce est donc une procédure exceptionnelle autorisant la mise à disposition immédiate de médicaments pour des indications spécifiques, présumés innovants, sous certaines conditions strictes énumérées à l’article L. 5121-12 du Code de la santé publique (« CSP »), notamment l’efficacité présumée, l’indication dans des maladies graves, rares ou invalidantes sans traitement approprié existant, et l’urgence de la mise en œuvre du traitement.

L’accès compassionnel, quant à lui, englobe les autorisations d’accès compassionnel (AAC) et les cadres de prescription compassionnelle (CPC) et concerne des médicaments non nécessairement innovants, initialement non destinés à obtenir une AMM, mais qui présentent une réponse satisfaisante à un besoin thérapeutique non couvert. Les CPC permettent à tout médecin de prescrire à un patient un médicament hors AMM dont l’efficacité a été prouvée et qui sera complètement remboursé par la sécurité sociale. L’autorisation d’accès compassionnel s’applique à des médicaments spécifiques, pour des indications thérapeutiques définies, qui ne font pas l’objet de recherches à des fins commerciales impliquant des essais sur la personne humaine, qui ne disposent pas de traitement approprié dans l’indication concernée, et dont l’efficacité et la sécurité sont présumées selon les données cliniques disponibles (article L. 5121-12-1, I du CSP).

Le dispositif de l’article 76 de la LFSS 2024 prévoit plusieurs mesures importantes pour garantir une prise en charge continue et efficace des patients avec notamment l’introduction d’un nouvel article L. 162-16-5-1-2 dans le Code de la sécurité sociale (« CSS »).

Sont désormais prises en charge les spécialités qui satisfont aux trois critères suivants : (i) être réservées à un usage hospitalier, (ii) ne pas être inscrites sur la liste « en sus » de l’article L. 162-22-7 du CSS dans la ou les indication(s) considérée(s) et, (iii) avoir fait l’objet d’un avis de la commission mentionnée à l’article L. 5123-3 du CSP, reconnaissant le niveau fixé par décret du service médicalement rendu (SMR) et de l’amélioration du service médicalement rendu (ASMR) dans l’indication considérée, et un plan de développement de la spécialité est proposé par l’entreprise exploitante de nature à fournir les données permettant d’actualiser l’évaluation de la spécialité et de fixer le délai dans lequel ces données doivent être fournies.

Le nouvel article L. 162-16-5-1-2 du CSS prévoit un nouveau dispositif de prise en charge dérogatoire et temporaire, en sus des tarifs hospitaliers, pour les spécialités ayant bénéficié d’un accès précoce.

Les entreprises pharmaceutiques demandant un accès précoce devront par ailleurs s’engager contractuellement à approvisionner le marché français pour répondre aux besoins des patients, avec des majorations de remise en cas de non-respect de cet engagement (modifications de l’article L. 5121-12 du CSP et de l’article L. 162-16-5-1-1 du CSS).

Le nouveau texte de l’article L. 5121-12-1 du CSP prévoit également un assouplissement des critères d’octroi des accès compassionnels par l’Agence nationale de sécurité du médicament et des produits de santé (ANSM), permettant la délivrance de ces autorisations dans certaines indications même si le médicament n’est pas considéré comme innovant selon les critères habituels. Cette mesure ouvre aussi la possibilité d’octroyer une autorisation d’accès compassionnel en cas de refus d’accès précoce. 

Enfin, une condition supplémentaire est ajoutée pour les autorisations d’accès précoce des vaccins, tenant compte des recommandations vaccinales de la HAS (modification de l’article L. 5121-12 du CSP).

Maintien et régulation sur le marché des MITM matures ne bénéficiant plus de protection au titre des droits de propriété intellectuelle ou industrielle

L’article 77 de la LFSS 2024 renforce les obligations pesant sur les entreprises qui envisagent de suspendre ou de cesser la commercialisation des médicaments d’intérêt thérapeutique majeur (« MITM ») matures qui ne bénéficient plus de protection au titre des droits de propriété intellectuelle ou industrielle afin de garantir leur maintien sur le marché français et leur approvisionnement.

Les médicaments « matures » sont des médicaments anciens dont le brevet n’est plus protégé et qui présentent généralement une rentabilité plus faible que les nouveaux médicaments. Les MITM sont des médicaments pour lesquels une interruption de traitement est susceptible de mettre en jeu le pronostic vital des patients à court ou moyen terme, ou représente une perte de chance importante pour les patients au regard de la gravité ou du potentiel évolutif de la maladie (définition de l’article L. 5111-4 du CSP).

Afin de garantir le maintien de ces médicaments sur le marché, une entreprise pharmaceutique exploitant un MITM mature, qui décide d’en suspendre ou d’arrêter la commercialisation ou qui a connaissance de faits susceptibles d'entraîner la suspension ou la cessation de cette commercialisation, doit en informer l’ANSM, au moins un an avant la date envisagée ou prévisible de l’arrêt. La nouvelle mesure complète les dispositions de l’article L. 5124-6 du CSP et prévoit que, lorsqu’un laboratoire décide d’arrêter la commercialisation d’un MITM mature, le titulaire de l’AMM doit chercher activement un repreneur ou un exploitant. Il doit présenter un rapport détaillé et motivé à l’ANSM, décrivant les efforts déployés pour assurer la reprise de l’exploitation du médicament, les offres reçues et les raisons l’ayant conduit à accepter ou refuser une offre, ainsi qu’une analyse de la capacité d’approvisionnement de l’entreprise candidate pouvant être appréciée selon la localisation des sites de production. En cas d’absence de reprise de la commercialisation par une autre entreprise, l’ANSM pourra demander au titulaire de l’AMM de concéder à titre gracieux l’exploitation et la fabrication du médicament à un établissement pharmaceutique public pour une durée de deux ans reconductibles.

En cas de manquement à ces nouvelles obligations légales, une sanction financière pourra être prononcée par l’ANSM (sanction qui ne pourra être supérieure à 30 % du chiffre d'affaires réalisé lors du dernier exercice clos pour le produit ou le groupe de produits concernés, dans la limite d'un million d'euros), laquelle pourra être assortie d’une astreinte journalière d’un montant maximum de 2.500 € par jour lorsque l'auteur du manquement ne s'est pas conformé à ses prescriptions à l'issue du délai fixé par une mise en demeure.

Retour